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Photo du rédacteurVacances à Moriani

Palazzi di l’Americani

Les palais des américains


Sous ce titre évocateur, se cachent des bâtisses que l'on trouve encore et surtout dans le Cap Corse.

Mais dans les faits, on ne peut pas vraiment parler de palais… Pas plus que d’américains !

L’histoire de ces « Palais d’Américains », comme les appellent les Corses, remonte à plus d’un siècle. A cette époque, des Cap-Corsins aventuriers, d’origines sociales diverses, sont partis tenter leur chance outre-Atlantique, aux "Amériques"... Certains sont revenus et ont bâti ces maisons sur des emplacements admirables, pour témoigner de leur réussite économique.

Majestueuses, fières, arrogantes, presque crâneuses, ces maisons d’américains portent toutes des histoires d’aventures incroyables. Ces bâtisses qui se visitent rarement mais s’admirent depuis les routes sinueuses du cap alimentent encore bien des fantasmes.

Au XIXe siècle, de nombreux motifs poussent les hommes, jeunes et célibataires pour la plupart, à choisir l'exil : La surpopulation du Cap Corse et l'économie fragilisée par une régime douanier très défavorables, la crise du phylloxéra dans les vignes et ma disparition progressive du commerce et de la marine à voile. D’autres raisons comme la volonté d’échapper à la conscription, à la justice, ou encore de fuir les régimes politiques en place pousseront les caps-corsins à partir à l'aventure : Direction « les Amériques ».


Tous ne sont pas allés aux Etats-Unis… Certains ont misé sur Porto Rico*, le Pérou, la Bolivie, le Mexique, le Venezuela, les Antilles ou Haïti. De nos jours, dans les Caraïbes un million de Portoricains auraient un ancêtre cap-corsin !

Cela ne les a pas empêchés de réaliser quand même "leur" rêve Américain ! Ces intrépides ont fait fortune dans le commerce, les mines d’argent, la culture du café, le sucre de canne, la vente d’esclaves… Car l’Amérique est une terre où l’on fait fortune, la main d’œuvre y est bon marché et les opportunités énormes.

Les migrations commencent dès 1540, sur les traces de Christophe Colomb. Les premiers émigrants corses sont souvent originaires de Calvi, surtout au début du 17ème siècle ; mais la plus grande vague se situe au 19ème. À cette époque, ce sont un peu plus de 4000 corses, pour une bonne partie cap-corsins, qui franchiront l’océan Atlantique. Ils partent souvent pour des raisons économiques, certes, mais ce n’était pas forcément des gens pauvres : On y trouvait aussi des notables, des médecins et des gens qui jouissaient d’une certaine fortune. Parfois ce sont des lignées entières qui s’expatriaient, décidant de tenter l’aventure américaine parce qu’ils ont un cousin, un frère, quelqu’un du village qui est déjà présent sur place et qui les y attend. D'autres fois, c'est toute une partie de la piève qui émigre ainsi : la fratrie, mais aussi les cousins, les proches... Jusqu'aux voisins! Cela touche aux histoires de famille, aux liens qu’ils ont tissé les uns avec les autres et aux «recommandations » dont ils pourront se prévaloir quand ils arriveront sur place.

Au 18e siècle, la tendance s’amplifie sous l’effet de la crise économique qui frappe l’île. Toujours, du Venezuela aux États-Unis en passant par Porto Rico, ils vont faire fortune dans les exportations et le commerce en fonction des richesses du pays et de leur sous-sol. Ce n'est que fin 19ème que certains d'entre eux (10 à 15%) reviendront en Corse. Dans les siècles précédents, rares ont été ceux qui sont rentrés au pays ; ils se sont plutôt installés dans les ports d’Espagne ou à Livourne, car ils pouvaient y gérer leurs affaires et profiter de leur fortune dans de meilleures conditions. A partir des années 1890, la corse passée sous la souveraineté française a pu leur garantir une certaine stabilité politique ce qui a favorisé les retours.

Ils ont alors construit de somptueux palazzi (palais), dont le cap Corse est truffé. Selon une estimation, on en dénombrerait 134 dans cette région sauvage…


Car c'est au travers de ces maisons que les corses ont voulu mettre en avant leur prospérité.

et célébrer ainsi leur ascension sociale et leur fortune accumulée. Il faut montrer sa réussite aux yeux de tous :  On fait donc construire maison et tombeau, deux des premiers et plus spectaculaires signes extérieurs de richesse, sur d’admirables emplacements, visibles de loin, souvent face à la mer, avec une mise en scène architecturale grandement inspirée des pays d'exil et qui domine le paysage, véritable témoin de la réussite économique de ces aventuriers tentés par les horizons lointains.


Chaque maison, chaque tombeau, raconte une histoire singulière, comme celle de Pierre-Marie Nicrosi (Palazzu Nicrosi à Rogliano), parti à l’âge de 15 ans en 1852 « aux Amériques ». Ce dernier connut une prospérité financière à Montgomery (Alabama) avec la co-gestion d’un salon de thé, épicerie fine et magasin de service.

Ces palais sont à l’écart des villages, où les maisons s’enchevêtrent, et sont entourés d’un rideau « exotique » de plantes exotiques. L’air de famille entre ces maisons d'américains est assez troublant.

Ce sont toutes des demeures imposantes, à l'architecture monumentale, beaucoup plus grandes et plus belles que les maisons des villages. Ces bâtisses rectangulaires, d’inspiration toscane et coloniale, ont une façade en pierres massives, coiffée d’un toit à quatre pentes en lauzes du pays, ou en tuiles.

On y voit une entrée théâtrale, des fenêtres surmontées de frontons triangulaires, des balcons à balustrade de fer forgé, des arcades, des colonnes, et des terrasses...

Bâties sur 3, voire 4 étages, elles sont placées sur une hauteur ou dans un endroit privilégié, souvent entourées d’un jardin arboré en terrasses avec des palmiers ou des arbres exotiques.

Certaines ont des caves avec des portes à deux vantaux ou des portes doubles en bois de châtaigner.. On y remisait les outils de jardin, parfois même on pouvait y trouver un moulin à huile ou un pressoir à olives.

L’intérieur raconte souvent la vie des propriétaires aux Amériques. Le vestibule est très décoré et doit, dès l’entrée en montrer sa richesse au visiteur. L'escalier qui conduit aux étages se doit d'être très large, entouré de colonnes de faux marbre. Sous celui-ci est souvent aménagé un vaste espace de rangement pour les meilleurs vins.

Le décor est aussi purement ornemental (rosaces, moulures, bouquets de fleurs, paysages), souvent traité en trompe-l’œil. On utilise la peinture au pochoir pour les motifs répétitifs, à l’imitation des papiers peints importés des manufactures continentales et dont on tapisse parfois les murs. Le mobilier, Louis-Philippe ou Napoléon III, est importé de France, complété par la production des menuisiers locaux. Les plafonds sont peints avec des médaillons centraux, les escaliers en fer forgés sont imposants, les sols sont en tomettes et on y trouve salon d’apparat, grand salon, cheminées, bibliothèque, salles de séjour où trônent des sièges en bois de noyer, des bancs de bois aux broches ornées d'or. Les pièces ne sont pas toujours très grandes mais elles bénéficient du meilleur confort de l’époque : eau courante, salles de bain avec baignoire en zinc, four à pain, etc..

Allée menant au palais

Les parcs et jardins attenants sont en terrasses et toujours plantés de palmiers et d’arbres exotiques.


Les allées de terre qui mènent à la maison sont bordées d’arbres majestueux.





Surprenants également : Les tombeaux du Cap Corse.

Souvent bâtis ostensiblement sur les plus beaux promontoires face à la mer, ils racontent le passé des aventuriers aux Amériques ou des familles notables et font partie de l'héritage architectural du Cap Corse.

On en rencontre aux allures de Capitole, en forme d'embarcation ou de pyramide...

Ils ont été construits entre la fin du XVIIe et le début du XXe siècle, aux abords des hameaux et face à la mer. Ils sont autant de signes extérieurs de richesse et l’expression d’un lien puissant entre les vivants et les morts.

Dans tous les villages du Cap Corse, en bordure de route, mais toujours sur des positions en vue, s’élèvent d’imposantes sépultures, véritable demeures des morts qui combinent tombeaux et autel pour célébrations et en fait de véritables chapelles funéraires.

L’intérieur y est souvent orné de sculptures, de tableaux, de bougeoirs et d’ostensoirs précieux. L’extérieur peut être luxueux avec murs d’enceinte, portails, escaliers et jardins aménagés avec palmiers ou cyprès.

Ces constructions rappellent celles des grandes lignées florentines ou romaines. Les familles insulaires viennent s’y recueillir au moins une fois par an, à la Toussaint.

Les plus beaux édifices sont à Sisco (tombeau Battistini), Cagnano (Biaggi), mais c’est à Barrettali, aux hameaux de Minerviu et Cunchigliu, que les familles ont rivalisé dans la grandeur, mais aussi dans le choix des lieux, face à la mer. L’importance de celle-ci est particulièrement visible à Pino où le tombeau Bartolomei a la forme d’une embarcation surmontée d’ancres sculptées.



Par la suite, ces constructions donneront des idées aux notables locaux (surtout des négociants de cédrats) et des bâtisses seront construites dans le style « américain » par des gens qui ne sont jamais allés aux Amériques, .... mais qui en ont toujours rêvé !



 


A voir principalement à San Martino di Lota, Luri, Morosiglia, Sisco ou Pino.


Certains d'entre eux ont été réhabilités en hôtel de caractère ou maison d'hôtes, d'autres en lieux d'expositions, de concerts ou de réceptions... Les visiter reste toujours un privilège.

 

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