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  • Photo du rédacteurVacances à Moriani

Contes et légendes (5)

Dernière mise à jour : 19 févr. 2020

Dernier volet de ce dossier consacré aux contes corses, puisés dans un imaginaire venu des quatre coins de l’île et des peuples qui y accostèrent au cours des siècles passés


LE COCHON PORCAFONU


Il était une fois en Castagniccia, un cochon qui s’appelait Porcafonu car il parlait. Il était cochon par sa mère et sanglier par son père. Un beau jour de décembre, las de voir ses frères mourir dans les plus atroces souffrances sous la lame des paysans insensibles à leurs cris d’agonie, le cochon décida de tenir un concile et rassembla tous les porcs des campagnes environnantes. Même leurs cousins les sangliers avaient été conviés à ce rassemblement historique.


PORCAFONU

« Dieu, là-haut dans le ciel, ignore notre souffrance et ne voit pas ces hommes qui nous égorgent et nous transforment en figatelli, coppa et lonzu. Je vais donc aller le trouver pour lui faire part de nos doléances à tous. Pour cela, je vais donc me laisser tuer ».

Un vieux sanglier revendiqua l’honneur de mourir pour cette noble cause et se porta volontaire à sa place. Un grognement unanime s’éleva dans l’assemblée émue par tant d’abnégation. Il s’en alla donc du coté de Valle d’Alesani où l’attendaient les chasseurs du canton. Au premier coup de fusil, il s’effondra et son âme quitta son corps de sanglier pour s’élever lentement vers le ciel.

Il frappa à la porte du Paradis et Saint Pierre vint lui ouvrir pour le conduire non pas devant Dieu qui était occupé, mais devant Saint Martin auquel il refusa catégoriquement de parler, se montrant même particulièrement insolent: « j’ai dit que je voulais parler à Dieu et à personne d’autre! ».

Cette attitude eut pour effet de mettre Saint Martin très en colère. Il annula sa mort et le renvoya sur terre.

Avant d’être chassé le vieux sanglier dépité s’écria: « U liamu un’hè un santu, fa miraculi pur tantu! » (le fumier n’est pas un saint, il fait pourtant des miracles).

De retour sur terre, il raconta son aventure à une assemblée médusée par la rapidité de sa mission.

Porcafonu, le cochon intelligent, grogna à plusieurs reprises; il fallait faire vite car les fêtes de fin d’année approchaient…


Ce matin de Noël, Saint Pierre affolé courait dans tous les sens. Des milliers d’âmes de cochons, avec à leur tête, celle de Porcafonu, déposaient leurs excréments devant la porte du Paradis et une odeur pestilentielle rendait l’air irrespirable. Saint Martin apparut bientôt rouge de colère: « Que voulez-vous, bande de porcs ?! », s’écria-t-il.  » Nous voulons être reçus par Dieu en personne sinon, nous continuerons à répandre notre fumier devant votre porte! ». Saint Martin en conclut qu’on ne pouvait pas négocier avec les Corses.

Au bout du troisième jour, le Diable entra dans la danse et se moqua de voir le Paradis ainsi

A la fin du cinquième jour, Dieu eut connaissance de l’émeute accepta de recevoir les émeutiers.



Pour éviter la confusion, une délégation conduite par Porcafonu et constituée d’un porc par village présenta ses doléances : Les cochons voulaient être respectés en tant que tels, ils souhaitaient mourir dignement et sans souffrances.

Dieu promit que leurs voeux seraient exaucés, il nomma Saint Antoine, qui devint San Antone di u porcu, comme protecteur de la race porcine et décréta que tous les cents ans, à la Saint Jean, un cochon désigné par Porcafonu, serait chargé de rendre un homme heureux et riche.Les représentants étant tous satisfaits des mesures prises par Dieu, ils se retirèrent et une odeur de maquis sauvage emplit de nouveau le paradis.


L’année suivante, à l’approche des fêtes de la Noël, les tueries des cochons recommencèrent et Porcafonu, d’en haut du ciel observait la boucherie. Il allait être difficile de trouver un élu au milieu de tout ce lascia core. Mais que faisait donc San Antone di u porcu ?.

Après avoir longtemps surveillé les villages et les hommes, il vit -et n’en crut pas ses yeux- un petit homme qui ne tuait pas les cochons et ne les mangeait pas. « c’est donc lui qui sera l’élu! », decréta-t-il.

Un soir, alors que le petit vieux était au coin du feu et ne grillait pas de figatellu, il entendit comme une sorte de grognement. Il se leva et ouvrit la porte. Devant lui se tenait le cochon qui parlait: « Je suis Porcafornu, le Dieu des cochons, j’ai décidé de faire de toi un homme riche parce que tu ne manges pas de cochon ». Le petit vieux manqua de s’évanouir, puis il se ressaisit.

« Je ne mange pas de cochon parce que je suis Juif ! ». Porcafonu poursuivit: « Au hameau de Bonicardo, près de funtana di moru, il y a un trésor que les maures ont enterré après une terrible bataille. Tu trouveras ce trésor et tu deviendras très riche ».

Le petit homme refusa, il ne voulait pas devenir riche pour attiser la convoitise du voisinage et il avait assez de malheurs comme cela. Porcafonu insista tant et si bien que le brave homme décida d’accepter mais à la seule condition que sa richesse s’accompagne aussi du bonheur qui jusque là lui avait fait défaut. Le cochon accepta, il fit ses dernières recommandations et disparut de la terre pour un siècle.

Le petit homme trouva le trésor, il devint très riche et épousa une paysanne qui lui donna sept enfants. Il passa sa vie à faire le bien autour de lui. Il achetait chaque année des cochons qu’il ne tuait pas et répondait en souriant, à ceux que le mystère intriguait :  » Les cochons ont fait mon bonheur et je veux qu’ils meurent de leur mort naturelle ».

Lorsque la mort l’emporta à l’age de 98 ans, le grognement  des porcs résonna dans toute la campagne comme un dernier adieu.



LA FÉE DE BRANDO

Trois frères pauvres et orphelins, Orlando, Francesco et Mario vivaient misérablement dans une cabane située au bas du village tout près de la mer. Ils se nourrissaient de coquillages ramassés au creux des rochers, de châtaignes, de baies sauvages et de merles qu'ils attrapaient avec leurs frondes dans le maquis. Un jour qu'il piochait les quelques arpents de terre de leur petit jardin, Mario, le plus jeune des trois, découvrit un trésor : une cassette remplie d'or !

- Aio ! mes frères ! Aio ! Venez vite, nous sommes riches désormais ! - Ces pièces ne sont pas à toi. Nous sommes les aînés, donc elles nous appartiennent. - Mais c'est moi qui les ai trouvées, riposta Mario. - Oui, mais dans notre jardin.


le trésor de brando

La soif de l'or ébranla la raison d'Orlando et de Francesco. Et le petit Mario comprit alors que ses deux frères iraient jusqu'au meurtre pour s'emparer du précieux métal. Affolé, il prit la fuite cherchant refuge dans le maquis. Une vieille bergère courbée sous le poids d'un fagot de bois sec, vint à sa rencontre sur le sentier sinueux et étroit. L'enfant pleurait.

- Mais qu'as-tu donc ? demanda-t-elle. Pourquoi ces larmes ? - Ce sont mes frères. Ils veulent me tuer pour s'emparer du trésor que j'ai trouvé au fond du jardin. - Suis moi, répondit la vieille femme. Je vais te cacher.

Et elle le conduisit dans la grotte.

La grotte de Brando

Orlando et Francesco s'étaient mis à la poursuite de Mario. Ils aperçurent la bergère.

- Nous cherchons notre jeune frère. L'auriez-vous aperçu ? - Oui, je l'ai mis à l'abri dans une grotte, un peu plus haut. Je vais vous y conduire.

Les deux garçons en franchirent l'entrée d'un bond. Mais une roche énorme se détacha pour en bloquer l'ouverture. Ils étaient prisonniers. Une pluie d'or se mit à tomber des stalactites, ruisselant sans discontinuer sur les deux malheureux qui périrent ainsi ensevelis. Le petit Mario qui s'était endormi, épuisé par la fatigue et la peur, fut réveillé à l'aube par une merveilleuse jeune femme, resplendissante de lumière et tenant à la main une baguette, la baguette magique des fées.

- C'est moi la pauvre vieille que tu as rencontrée. N'aies plus peur désormais. Car je te prends sous ma protection. Je suis la fée de la grotte...


la fée de Brando

Le porteur d'eau et la cruche fissurée.

Un porteur d’eau avait deux grandes jarres, suspendues aux deux extrémités d’une pièce de bois qui épousait la forme de ses épaules.L’une des jarres avait un éclat, et alors que l’autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source jusqu’à la maison du maître, l’autre perdait presque la moitié de sa précieuse cargaison en cours de route.Cela dura deux ans pendant lesquels, chaque jour, le porteur d’eau ne livrait qu’une jarre et demi d’eau à chacun de ses voyages.Bien sûr, la jarre parfaite était fière d’elle, puisqu’elle parvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faille.Mais la jarre abîmée avait honte de son imperfection et se sentait déprimée parce qu’elle ne parvenait à accomplir que la moitié de ce dont elle était censée être capable de faire.Au bout de deux ans de ce qu’elle considérait comme un échec permanent, la jarre endommagée s’adressa au porteur d’eau, au moment où celui-ci la remplissait à la source.« Je me sens coupable, et je te prie de m’excuser. » « Pourquoi ? » demanda le porteur d’eau. « De quoi as-tu honte ? » « Je n’ai réussi qu’à porter la moitié de ma cargaison d’eau à notre maître, pendant ces deux ans, à cause de cet éclat qui fait fuir l’eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts, et, à la fin, tu ne livres à notre maître que la moitié de l’eau. Tu n’obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts », lui dit la jarre abîmée.Le porteur d’eau fut touché par cette confession, et, plein de compassion, répondit :« Pendant que nous retournons à la maison du maître, je veux que tu regardes les fleurs magnifiques qu’il y a au bord du chemin ».Au fur et à mesure de leur montée sur le chemin, au long de la colline, la vieille jarre vit de magnifiques fleurs baignées de soleil sur les bords du chemin, et cela lui mit du baume au cœur.Mais à la fin du parcours, elle se sentait toujours aussi mal parce qu’elle avait encore perdu la moitié de son eau.Le porteur d’eau dit à la jarre :"T’es-tu rendu compte qu’il n’y avait de belles fleurs que de ton côté, et presque aucune du côté de la jarre parfaite ?C’est parce que j’ai toujours su que tu perdais de l’eau, et j’en ai tiré parti. J’ai planté des semences de fleurs de ton côté du chemin, et, chaque jour, tu les as arrosées tout au long du chemin.Pendant deux ans, j’ai pu grâce à toi cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du maître. Sans toi, jamais je n’aurais pu trouver des fleurs aussi fraîches et gracieuses. "Ne l'oublie pas : Nous sommes tous un peu fissurés..."


Bonne lecture avec les 4 précédents volets de ce dossier

 

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