La tradition corse est riche en contes fascinants. Plongez dans les aventures de sorcières, de lutins, de spectres et d'autres créatures fantastiques que l'on raconte au cœur des nuits d'hiver.
L'article suivant vous dévoilera davantage sur Ginevra, la reine des fées de l'île parfumée, cet être légendaire d'une grande beauté, capable de voler dans les airs, de lancer des sorts et d'influencer le futur..
C'era una volta
La reine des fées
![Ginevra, la reine des fées](https://static.wixstatic.com/media/bfd704_7411eaab257b49edba8dc1f0c06ed90c~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_1224,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/bfd704_7411eaab257b49edba8dc1f0c06ed90c~mv2.jpg)
Il y a bien longtemps, au temps des sortilèges, la reine des fées de l’île parfumée s’appelait Ginevra.
Elle habitait un superbe palais bâti sur une falaise dominant la mer et avait trois filles : Almabella, Carabella et Rosabella.
Ginevra était aimée et respectée de tous les habitants.
Tous les jours, elle explorait une nouvelle région de son immense domaine, attentive aux besoins des plus démunis, leur offrant aide et affection.
Dotée du pouvoir de se transformer en tout animal terrestre ou aquatique, elle choisissait souvent de revêtir de magnifiques plumes d'oiseau pour s'envoler rapidement dans les airs.
Pour chacun de ses voyages, elle se faisait ainsi et tour à tour, mouette, fauvette ou bergeronnette.
Le palais de Ginevra était splendide, avec ses murs revêtus de nacre, ses sols de corail et ses plafonds ornés de gemmes et de perles délicates. Au-dessus de l'immense salle de réception, décorée de statues d'hippocampes, un escalier bordé de gorgones conduisait à une tour élevée. De ce point de vue, le paysage du littoral et de l'horizon était époustouflant.
Les trois jeunes filles et leur mère grimpaient souvent pour contempler le coucher du soleil, qui brillait d'une splendeur orangée, rouge écarlate, puis mauve et violet.
Tout aussi douces que belles, Almabella, Carabella et Rosabella, en parfaite harmonie, disposaient chacune de leur propre chambre, qu'elles aménageaient au gré de leurs humeurs.
Effectivement, bien qu'elles n'aient pas encore hérité des vastes pouvoirs de leur mère, les trois sœurs étaient déjà d'excellentes magiciennes.
Un jour, Ginevra dut partir très loin, jusqu’aux confins de son domaine.
Une maman balbuzard, qui habitait ce lieu retiré, appelait au secours et avait demandé à un ami cormoran de transmettre un message énigmatique qui disait seulement :
« Venez ô Reine, j’ai besoin de vous… C’est urgent… »
Ginevra, intriguée, s’était transformée en mouette pour se rendre au plus vite sur le lieu du rendez-vous, situé aux confins de la frontière du Nord.
Après avoir survolé toute la côte, la souveraine des fées arriva à proximité du nid, érigé aux confins de son royaume. Elle décrivit un cercle au-dessus avant d'atterrir non loin.
Peu après, alors qu'elle venait de retrouver sa forme royale, un cri retentit derrière elle.
Elle se retourna et fut immédiatement frappée par un éclair d'un bleu éclatant.
Ginevra était consciente et ne ressentait aucune douleur, mais elle était complètement immobilisée, comme figée sur place.
![la belette au pelage sombre](https://static.wixstatic.com/media/bfd704_818c8ee67c964d89a83b1ffb0e500998~mv2.jpg/v1/fill/w_250,h_187,al_c,q_80,enc_auto/bfd704_818c8ee67c964d89a83b1ffb0e500998~mv2.jpg)
Devant elle se tenait celui qui avait crié : un grand personnage, vêtu d’un long manteau noir, la tête cachée sous une capuche, avec dans la main, une petite branche de bois sec.
À ses pieds, une belette, au pelage aussi sombre que la nuit, se tenait immobile.
Soudain, l'étrange inconnu dirigea sa baguette vers Ginevra. Immédiatement, un nouvel éclair bleu surgit, frappant la fée une fois de plus. Ginevra se sentit encore plus affaiblie.
L'inconnu la contempla un instant avant de s'avancer vers elle, son curieux animal sur ses talons. Ils s'arrêtèrent tous deux devant la souveraine des fées.
Car il était manifeste qu'il était lui aussi un magicien de grand pouvoir.
L'inconnu replia la capuche de son manteau sur ses épaules et effectua un demi-tour, offrant à la fée l'opportunité de l'examiner à son aise.
«Ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis Budianu, le prisonnier de votre mère Viviana... Maintenant, c'est vous qui êtes désormais ma prisonnière, je suis comblé !»
Ginevra sentit son coeur se serrer très fort, elle se rappelait à présent…
Elle était toute petite quand sa mère avait vaincu et emprisonné ce Budianu, un méchant sorcier qui, par soif de pouvoir et de puissance, était devenu un sinistre vampire connu pour sa cruauté.
Après le combat qu’il avait perdu, Viviana l’avait enfermé dans une grotte où il devait demeurer très longtemps.
Budianu se remit à rire.
« Ha, ha ! Vous vous demandez ce que je veux et pourquoi vous êtes ma prisonnière ? Mais je veux me venger, tout simplement. Votre mère Viviana m’a enfermé, je vous enfermerai aussi, vous et vos filles… En vous frappant de l’éclair bleu, je leur ai envoyé un charme en même temps et elles sont désormais paralysées autant que vous l’êtes… Ah, comme je suis satisfait ! Votre règne maudit prend fin aujourd’hui : Désormais, me voilà roi ! »
Les yeux du sorcier noir brillaient d’un malicieux éclat tandis qu’à ses pieds, sa créature retroussait lentement les babines, laissant voir ses fines dents, pointues comme des aiguilles.
Budianu se remit à rire de plus belle puis ajouta :
« Vous, Ginevra, serez enfermée au fond d’un gouffre obscur et humide, où vous pourrez réfléchir longuement sur l’étendue de mes pouvoirs. Vos trois filles seront, elles aussi, emprisonnées, chacune dans un lieu différent. Vous allez ainsi disparaître à jamais et moi je pourrai régner sans partage. Tout est fini pour vous. Mais avant de vous envoyer dans vos cellules respectives, je veux vous montrer, ô ex-souveraine, le secret de ma puissance… »
Budianu ouvrit alors son manteau…
Sur sa poitrine, accroché à une chaîne d’argent, pendait un objet que Ginevra reconnut immédiatement.
![L'unghju di a gran'bestia](https://static.wixstatic.com/media/bfd704_69e1d52713e04362a04397565caaba1d~mv2.jpg/v1/fill/w_475,h_475,al_c,q_80,enc_auto/bfd704_69e1d52713e04362a04397565caaba1d~mv2.jpg)
C’est bien l’Unghju di a Gran’ Bestia, l’Ongle de la Grande Bête, se dit-elle en observant ce joyau ancien qui se présentait comme un cristal bleu, taillé en forme de doigt et prolongé d’une longue griffe.
Cet Ongle avait été créé autrefois par un grand mage pour servir de talisman contre les vampires.
Cependant, possédé par l’un de ces vampires, l’Ongle perdait ses pouvoirs de protection et devenait au contraire une arme redoutable au service du mal.
Et c’est bien ce qui s’était passé :
Viviana, ayant relégué Budianu dans sa grotte, avait dissimulé le joyau chez elle. Cependant, la belette du sorcier noir, profitant de l'absence de la fée en voyage, l'avait recherché et découvert.
L'animal s'était ensuite rendu à la prison de son maître.
En grignotant avec persévérance la robuste porte de glace, la belette était parvenue à y creuser un orifice assez grand pour transmettre l'Ongle à Budianu, qui s'en servit pour s'évader.
Budianu sait bien se servir du talisman, pensa Ginevra… Il faut réagir sans attendre…
Aussitôt, et avant que le sorcier ne puisse faire un geste ou dire le moindre mot, la reine des fées se transforma.
Avec son orgueil démesuré, Budianu, cherchant à humilier Ginevra, l'avait paralysée tout en laissant sa conscience intacte. Fatale erreur !
La reine des fées ne pouvait plus bouger mais elle pouvait penser.
Or, c’est par la pensée qu’elle pouvait manifester ses pouvoirs.
Elle n’avait donc besoin ni de baguette magique ni de joyau malfaisant…
En une fraction de seconde, enveloppée d’une étrange brume dorée, elle décida de prendre l’apparence d’une fine aigrette garzette.
![Fine aigrette garzette](https://static.wixstatic.com/media/bfd704_2ae54ca67fc5403792cf91ad07f05925~mv2.jpg/v1/fill/w_879,h_732,al_c,q_85,enc_auto/bfd704_2ae54ca67fc5403792cf91ad07f05925~mv2.jpg)
Face au mage au manteau aussi sombre que la nuit, le magnifique oiseau blanc brillait d'un éclat lumineux, ailes déployées.
Avec un geste précis de son long bec, la fée-aigrette rompit la chaîne et s'empara de l'Ongle de la Grande Bête. Budianu, comme si son cœur lui avait été arraché, poussa un cri terrible de désespoir et tomba à genoux, laissant échapper sa baguette.
Sa belette se coucha à son côté.
Le sorcier noir et sa fidèle créature étaient vaincus et pris à leur propre piège.
Incapables de faire le plus petit mouvement mais parfaitement conscients, ils assistèrent une nouvelle fois à la transformation de Ginevra qui reprit, toujours enveloppée de brume dorée, sa forme première.
La reine fit un grand sourire puis siffla trois notes.
Aussitôt, apparurent à quelques mètres la famille des balbuzards et le cormoran qui avait porté le message.
« Voyez ce qui arrive au sorcier noir, leur dit Ginevra en montrant du doigt Budianu et sa belette, complètement immobilisés. Désormais, vous n’avez plus rien à craindre. Allez en paix, regagnez vos terres et n’ayez plus peur de ce mage si méchant. Je vais détruire définitivement l’Ongle de la Grande Bête. Vous pouvez le dire partout. Allez maintenant… »
Les oiseaux, à la fois émerveillés et rassurés, remercièrent chaleureusement la souveraine avant de prendre leur envol.
Ginevra, qui était inquiète pour ses trois filles, les appela par la pensée.
![3 chouettes](https://static.wixstatic.com/media/bfd704_e7d75369e7f548628f6962ccea02ead2~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_725,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/bfd704_e7d75369e7f548628f6962ccea02ead2~mv2.jpg)
Aussitôt, Almabella, Carabella et Rosabella arrivèrent, dans un halo doré. Elles avaient voyagé sous la forme de chouettes et elles firent un dernier vol circulaire avant d’atterrir près de la reine des fées.
Puis, les trois soeurs retrouvèrent leur apparence habituelle et se jetèrent dans les bras de leur mère en riant.
Budianu enrageait mais ne pouvait rien faire.
Il était à la merci de Ginevra qui lui dit :
« Vilain sorcier, tu as osé te prétendre mon égal en usant du pouvoir secret de l’Ongle de la Grande Bête… Et tu as utilisé sa magie pour faire le mal… Tu mérites une bonne punition, mais avant tu vas assister à un spectacle inoubliable… »
La reine des fées leva les yeux au ciel puis siffla une seule et longue note…
![Viviana, la mère de Ginevra](https://static.wixstatic.com/media/bfd704_9ab9f39cb42541cabc10f8933dde5e32~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_959,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/bfd704_9ab9f39cb42541cabc10f8933dde5e32~mv2.jpg)
Instantanément, sa mère, l'imposante Viviana, surgit dans une brume scintillante d'or, sous sa véritable apparence. Élancée et svelte, elle semblait presque aussi jeune que sa fille.
Almabella, Carabella et Rosabella s'empressèrent d'accueillir leur grand-mère qui ne paraissait pas son âge.
La famille des fées était à présent rassemblée.
Ginevra, après avoir embrassé sa mère, s’adressa une dernière fois au sorcier noir :
« Tu vas retourner pour longtemps dans ton cachot de glace, là-haut dans la montagne, et ta créature t’accompagnera. Mais si un jour tu demandes vraiment pardon pour le mal que tu as fait, j’entendrai ta pensée et je pourrai alors revoir ta condamnation. En attendant, regarde bien ce qui va arriver à l’Ongle que tu as utilisé et qui ne sera jamais plus un bon talisman… »
La reine des fées posa le vieux joyau sur une pierre et le couvrit d’herbes magiques et de fleurs séchées qu’elle prit dans un petit sac vert accroché à sa ceinture.
![la danse des fées](https://static.wixstatic.com/media/bfd704_f9b03a559e0b4685a814942fc7b281c1~mv2.jpg/v1/fill/w_474,h_606,al_c,q_80,enc_auto/bfd704_f9b03a559e0b4685a814942fc7b281c1~mv2.jpg)
Puis, Ginevra, sa mère et ses trois filles se mirent en cercle en se tenant par les mains et commencèrent à danser une ronde.
On entendit alors, venu du ciel, un étrange chant d’oiseau, lent au début mais qui se fit de plus en plus rapide.
La danse suivait le tempo musical qui s’accélérait et les fées tournaient de plus en plus vite…
La ronde se fit tourbillon.
À cet instant, sur la pierre, les herbes magiques et les fleurs qui recouvraient l’Ongle se métamorphosèrent en un feu ardent, crépitant et multicolore.
En quelques secondes, le vieux joyau fut réduit en une poudre de cendres, grise et inerte.
Son charme malfaisant était définitivement rompu.
L’oiseau invisible cessa alors son chant et la ronde tourbillonnante prit fin elle aussi.
Ginevra s’approcha du surpatoru et de sa belette qui tremblait de peur en gémissant.
« Il est temps de partir, lui dit-elle. Souviens-toi, Budianu, que tu peux être pardonné. Si tu te repens, je le saurai immédiatement et tu pourras retrouver la liberté. Mais il faut que tu sois sincère. »
La reine des fées posa ensuite sa main droite sur le front du sorcier qui fut, au même moment, enveloppé avec son animal dans une épaisse fumée noire.
Puis, il y eut un éclair blanc et tous les deux se volatilisèrent.
On entendit alors un bruit étrange, comme un brusque claquement de porte, et la fumée s’évapora elle aussi en un instant.
Budianu et la belette avaient rejoint leur haute et froide prison de glace.
Toutes contentes, Viviana, Ginevra, Almabella, Carabella et Rosabella regagnèrent alors le féerique palais bâti sur la falaise dominant la mer.
Puis, les fées décidèrent d’inviter tout leur petit monde – hommes, oiseaux et animaux – à une grande fête de la paix retrouvée.
Cette célébration fut tellement réussie que son souvenir s’est transmis, de génération en génération, durant des siècles et des siècles.
Souvenir d’une époque merveilleuse et enchantée de l’île parfumée.
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